L’ouverture de son capital aux investisseurs : une bonne solution, mais…

Jacques BURTIN - Directeur associé, Inside Management

Les missions en support à des investissements en capital représentent une part significative de nos interventions. Qu’il s’agisse de développement, de transmission ou de fusion acquisition, nos clients recherchent une prise en compte adaptée de leurs contraintes et de leurs objectifs financiers.

Témoignage de Jacques Burtin, directeur associé Inside Management, à la lumière de ses expériences notamment en ETI / PME en phase d’ouverture du capital.

Pour quelle raison ouvrir son capital aux investisseurs ?

Jacques Burtin : Les raisons sont multiples : développement d’un marché, lancement d’un nouveau projet stratégique, investissement industriel, fusion / acquisition, anticipation d’une transmission, R&D, etc. L’ouverture de son capital porte plusieurs visages, selon les intentions de l’investisseur.

Qui sont les investisseurs potentiels ?

J.B :  Ils sont issus essentiellement de la sphère privée (Banques, fonds d’investissement, business angels), et parfois de fonds publics : BPI France, fonds régionaux.

Citons également le CIR (Crédit Impôt Recherche) et les subventions européennes pour l’innovation, qui sont dans certains cas des leviers importants de financement, mais ne sont pas des investissements en capital.

Interviennent-ils quel que soit la nature de l’investissement ?

J.B : Non, bien au contraire : les investisseurs privés sont très segmentés, selon la vocation des investissements, mais aussi selon la phase de vie des entreprises. Le financeur d’une start-up (capital risque) n’est pas le même que celui d’un développement européen. Les fonds d’investissement sont souvent thématiques : énergies renouvelables, bio technologies, innovation numérique, etc.

L’ouverture du capital est une pratique courante dans les entreprises innovantes. Pour vous, quelles sont les leviers à mettre en place pour permettre l’attrait d’une société en dehors de l’innovation ?

J.B : Le seul bon levier c’est le business plan ! Si l’innovation est l’attrait le plus connu, ce n’est pas celui qui pèse le plus lourd. L’économie traditionnelle regorge de projets potentiellement très rentables pour des investisseurs, avec ou sans disruption sur le marché. Il faut le bon projet au bon moment, et garder en tête que les investisseurs en capital sont très sensibles à la qualité de l’équipe porteuse du projet.

Avec la probable dilution des parts existantes, avez-vous LA formule idéale afin d’éviter la déception des actionnaires historique ?

J.B :  Il n’y a aucune solution miracle, et c’est bien normal : tout investissement comporte des risques, le nouvel entrant au capital doit trouver une juste contrepartie à son opération. Le % de parts dépendra notamment de la valeur de l’entreprise à un instant t, c’est souvent le point d’achoppement dans ce type d’opération. Un porteur de projet ne doit pas éliminer d’emblée une offre dans laquelle il est dilué, s’il possède une expertise réelle et durable sur son projet.

La levée de fond dans le cadre d’un redressement, est-ce viable selon vous ?

J.B : Les « rachats à la barre du tribunal » sont très courants, et les motivations multiples : on rachète une capacité de production, une notoriété, une zone de commercialisation, un concurrent, etc. Les investisseurs en capital n’interviennent en général sur ce type de dossiers que s’ils accompagnent un expert du secteur de l’entreprise cible. Ce type d’opération nécessite souvent un double apport : en BFR, qui n’est pas un investissement en capital, et des investissements, par exemple pour renforcer une synergie.

Est-il nécessaire d’accueillir systématiquement des associés prestigieux et/ou référents ? 

J.B : Nécessaire non, mais utile ! Le nouvel actionnariat peut faire l’objet d’une communication qui renforcera la crédibilité du projet. La notoriété de l’un profite à l’autre. L’investissement profite aussi à l’investisseur : un grand distributeur de produits fossiles peut ainsi afficher son ambition vertueuse dans les énergies renouvelables. La qualité des investisseurs purement financiers est également primordiale. Leur bonne réputation envoie un signal positif au marché, notamment vers de futurs éventuels nouveaux investisseurs.

Comment se protéger en tant que dirigeant afin de ne pas perdre le contrôle sur sa société ?

J.B : Le dirigeant doit avoir ses propres conseils, choisis par lui en toute indépendance. Le patron de PME par exemple se fie souvent à ses conseils historiques (Expert-comptable ou notaire), mais pour une ouverture du capital c’est insuffisant. Un avocat en droit des affaires, spécialisé dans les opérations capitalistiques, doit impérativement et à minima accompagner le dirigeant à chaque étape du processus. La perte de contrôle peut signifier plusieurs choses, qui ne sont pas toutes négatives.

Les structures d’accompagnement des dirigeants, une bonne solution ?

J.B : Tout dépend lesquelles. Les meilleures d’entre elles vont assister le dirigeant sur tous les aspects du projet financier (juridique, fiscal, patrimonial, …). Elles sont en général spécialisées par taille d’entreprise ou par métier. A contrario un mauvais accompagnement peut conduire au pire, d’où l’intérêt de bien choisir ses partenaires. Un regard extérieur est toujours un atout dans ce type d’opération.

Vers qui se tourner pour une ouverture de capital ? (Particuliers / Partenaires financiers / Fonds d’investissements / BPI).

J.B : Les financements de particuliers sont utilisés pour des petits montants (quelques K€), par l’intermédiaire du crowdfunding. Idem pour le « love money » apporté par la famille et les amis. Les levées de fonds pour des montants plus importants sont rares sous cette forme.

Toutes les autres pistes doivent être explorées lorsque l’on souhaite ouvrir son capital. Rajoutons l’introduction en bourse, pour des entreprises installées de préférence, mais avec des contraintes : réglementaires, impactant directement l’organisation, et surtout une grande attention pour détecter les introductions en bourse qui résultent d’une surévaluation des parts auprès des investisseurs.

Peut-on voir un investisseur comme un partenaire au long terme ?

J.B : Il faut le voir comme un partenaire de long terme ! Le fond requin qui fixe son retour d’investissement à l’avance sur une courte période est très risqué. En cas de force majeure, il vaut mieux collaborer avec des investisseurs de moyen / long terme (supérieur à 3 ans), en veillant à ce que leurs intentions de ROI soient claires et transparentes.

 

En France nous avons la chance d’avoir un panel d’investisseurs très varié, avec des fonds significatifs et accessibles aux bons projets. C’est moins vrai pour les petits investissements dans des métiers classiques existants, ou sur des investissements de plusieurs centaines de millions d’euros : pour les premiers il est impératif d’avoir un solide soutien bancaire, pour les seconds il faut souvent s’orienter vers des fonds européens ou internationaux.