Smart Cities – Le cas Estonien
Publiée le 02 décembre 2020
Avant d’aborder le cas des smart cities Estoniennes, rappelons quelques données. Il s’agit d’un pays de 1.3 millions d’habitants, répartis sur la surface de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Un pays qui a réalisé l’exploit d’avoir connecté 85 % de sa population en haut débit.
100% des prescriptions médicales sont digitalisées, alors que 1/3 des citoyens vivent en milieu rural.
Ce pays, c’est l’Estonie. 3 fondamentaux ont servi à créer les fondements du modèle de ville connectée utilisé dans le pays : l’accessibilité / l’interopérabilité / l’ergonomie. C’est sur ces 3 points que notre article va s’articuler également.
L’accessibilité des systèmes
A la sortie du bloc soviétique en 1991, l’Estonie a dû se réinventer. Ce renouveau a été amorcé par un constat : la nécessité de concevoir les infrastructures qui porteront le futur du pays. Celles-ci se sont organisées avec 3 niveaux de priorité :
- Les écoles, en accompagnant les professionnels du secteur sur la prise en main des outils et sur la compréhension du nouvel environnement. En parallèle s’est mis en place un programme (disponible dès 7 ans) destiné à la compréhension de la culture numérique et des algorithmes omniprésents dans le quotidien en Estonie.
Conjointement, l’Etat a organisé des formations pour les dirigeants, qui à leur tour pourront distiller cette connaissance au sein de leurs entreprises.
- L’administration, qui au-delà de l’acceptation des nouveaux processus de fonctionnement (en devenant le premier Conseil des ministres « paperless » du monde) a été formée au design thinking, afin de pouvoir répondre à chaque demande utilisateur, pour chaque service.
Ainsi, l’interface utilisateur n’est pas la même pour les impôts que pour le service de santé, mais chacune d’entre elles a une interface pensée avec et pour le citoyen.
Simplifier le fonctionnement des administrations est un levier de changement considérable pour un Etat. On parle de stratégie « customer centric », soutenue par les technologies comme l’ID card numérique dont nous parlons plus loin.
- Les foyers : les 2 précédents points ne font pas sens s’il n’y a pas une continuité dans la proposition de l’Etat, si les jeunes enfants se retrouvent ensuite coupés de la culture numérique à laquelle on les habitue dans le cadre de l’école. C’est l’infrastructure générale du pays qui a été modifiée. Rappelons que 1/3 des habitants vivent en milieu rural, soit près de 450 000 personnes à interconnecter.
Il est important de veiller à ce que les citoyens soient prêts et disposés à s’en servir.
Cette phrase résume parfaitement la façon de penser globale du pays. Avant même de penser aux Smart Cities de demain, il est capital de penser à l’utilisateur, ses besoins et ses capacités à avoir accès et à utiliser les outils.
En complément de cette stratégie d’accessibilité, c’est tout un modèle urbain, unique en son genre, qui a été mis en place. Un objectif final : revitaliser l’économie globale.
Pour ce faire, ils se sont appuyés sur la capitale (Tallinn) qui, en proposant des transports en commun totalement gratuits pour l’ensemble des habitants, ce qui a contribué à la transformer en ville verte. Un modèle de transport urbain unique, ainsi que l’augmentation des espaces verts ont attiré beaucoup d’habitants. Le tout en réduisant drastiquement le nombre de véhicules en circulation.
Le résultat est sans appel : Tallinn est LA capitale verte de l’Europe, et l’objectif de revitalisation de l’économie locale est un succès.
L’interopérabilité, pilier des « smart cities »
Afin d’assurer la performance et l’efficacité des outils mis à la disposition des citoyens, l’Estonie a réfléchi très tôt à la création d’un service permettant de connecter les données utilisateurs, les entreprises et les administrations. Cela s’est fait de façon sécurisée et homogène, tout en fournissant un modèle fonctionnel et open source ‘universel’.
C’est avec ce leitmotiv que le projet X-Road fut lancé en 2001 : « solution logicielle et écosystémique open source permettant un échange de données unifié et sécurisé entre les organisations ».
Le projet s’est appuyé sur 3 groupes :
- Les citoyens fournissent des informations dans le cadre des droits légaux. Chaque information n’est stockée qu’à un seul endroit (les mises à jour sont facilitées, par exemple pour effectuer un changement d’adresse), et chaque citoyen maîtrise les autorisations d’utilisation de ses données personnelles.
- Les agents de l’Etat, qui ont l’autorisation d’utiliser les bases de données dans le cadre de leur mandat, et sous réserve de l’autorisation accordée par chaque citoyen (un agent du service de santé n’a pas accès aux informations fiscales).
- Les entrepreneurs, qui peuvent utiliser les données pour des opérations commerciales, dans un cadre très strict et selon les autorisations accordées au préalable par les citoyens.
Dans les faits, cette interopérabilité a permis la mise en place de 86 services numériques dans le pays qui couvrent l’ensemble des usages. On peut citer pour exemple le cas des transports en commun qui sont couplés à un GPS « local », ce qui permet d’obtenir les informations de circulation en directe via les caméras de circulation de la ville.
Tous les services publics sont connectés, de la demande de titre d’identité à la déclaration d’impôts, en passant par l’ensemble des processus administratifs du quotidien. Le système permet la mise à disposition des plans détaillés de la ville, avec des informations précises sur l’ensemble des constructions et des services disponibles, mais également avec les projets d’évolution.
Par ce dispositif, les citoyens sont au cœur du système. Ils sont sollicités et leurs avis sont aisément pris en compte dans le circuit décisionnel de la ville et plus largement de l’Etat. Tout ceci sans crainte de l’effet big brother apparemment !
L’ergonomie, enjeu majeur des « smarts cities »
L’ergonomie ici s’entend comme l’adaptation de la machine à l’Homme, où comme la définit l’IEA (International Ergonomics Association) : « discipline scientifique qui vise la compréhension fondamentale des interactions entre Humains et les autres composantes d’un système ». De nombreux facteurs sont pris en compte : physiques, cognitifs, sociaux, organisationnels, environnementaux, …
C’est en s’appuyant sur les besoins des utilisateurs finaux (les citoyens) que l’Estonie a créé son modèle de Smart City. L’enjeu était d’apporter plus de simplicité dans la vie de tous les jours et, pour ce faire, l’Estonie a joué gagnant en simplifiant l’accès aux informations les plus utilisées, grâce à une carte d’identité numérique (possédée par 98% des citoyens). Elle permet d’avoir accès (en sus de sa fonction d’authentification) aux services de santé, à la justice et aux forces de l’ordre, et aux transactions (banques/commerces/transports).
Cette carte d’identité numérique symbolise à elle seule la volonté et la stratégie du pays, qui a compris encore une fois que le seul artisan du succès d’une transition est l’utilisateur. Une technologie n’existe que si elle est adoptée par tous.
L’Estonie est un bel exemple (le seul en Europe) de Smart City. Ce n’est pas un nid à technologies et applications : elle est là pour rendre l’administratif, les déplacements, les usages, les relations plus simples et surtout plus fluides. Ce modèle Estonien a été conçu par, pour et avec les citoyens.
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