Retournement d’entreprise : Anticiper pour assurer sa réussite
Publiée le 14 octobre 2020
Les sujets que nous rencontrons dans le cadre des missions conduites par Inside Management sont très variés. Il peut aussi bien s’agir de remplacer sur-le-champ un collaborateur-clé, que d’endiguer une situation économique compliquée pour les actionnaires ou le dirigeant.
Il semble opportun, compte tenu de la conjoncture actuelle, de nous concentrer et de sensibiliser sur le cas des retournement de son entreprise quand elle traverse une période de difficulté financière, afin de garder sa lucidité autant que possible, et acquérir quelques réflexes qui peuvent être salutaires pour assurer le retournement de son entreprise.
En effet, les dirigeants se sont mobilisés depuis le début du confinement : ils ont sollicité des aides gouvernementales pour réaliser des économies (chômage partiel et allègement de charges, …), compensant en partie la baisse de leur chiffre d’affaires. Et la majorité des autres mesures constituées de prêts (report des charges sociales, décalage de TVA, Prêt Garanti par l’Etat) vont alourdir leur dette. Les mesures ont permis de passer la période de confinement, mais risquent aussi de ne faire que repousser les échéances compliquées…
Dans de telles conditions, il est indispensable pour le dirigeant d’anticiper en gardant sa capacité de discernement et d’actions. Lors d’un un échange avec Ivan NOVIKOFF, manager de transition spécialisé dans ces situations en contexte industriel, nous avons listé quelques points essentiels pour que le dirigeant passe le cap et réussisse le
Retournement d’entreprise :
1/ L’engagement du dirigeant est source de confiance pour les salariés de l’entreprise et pour ses partenaires, qu’ils soient clients, fournisseurs, investisseurs, banques ou autres… Il doit montrer qu’il est lucide sur la situation et qu’il a initié un plan pour enrayer la sous-performance momentanée de façon efficace afin de « redresser la barre ». Cela impactera tous les aspects de l’entreprise : stratégie, finance, organisation, et ressources humaines ; mais la communication qui en résulte en sera le principal carburant.
2/ Conserver sa santé psychique et physique devient une priorité. En effet le dirigeant a puisé ces derniers mois (nous parlons bien là de cette inédite période de confinement) dans ses ressources physiques et intellectuelles. Il n’a pas pu avancer sur l’aspect opérationnel de son entreprise. Ne négligeons pas la fatigue accumulée. Si sa santé ne figure pas dans le bilan du rapport financier de l’entreprise, elle n’en demeure pas moins un des premiers actifs immatériels.
3/ Attention au déni devant les difficultés. Le dirigeant ne doit pas s’abriter derrière le PGE qui n’est pas une bouée de sauvetage éternelle, même s’il offre quelques mois de visibilité. Il faudra le rembourser. Tout ne reviendra pas comme avant : le dirigeant ne peut se fonder sur sa bonne étoile et ses prévisions de commandes faites il y a un an. Quel est aujourd’hui le carnet d’offres réaliste de l’entreprise ? La peur du regard des autres ou l’absence d’humilité peuvent conduire à ne rien dire des difficultés réelles, à continuer à faire bonne figure et malheureusement à retarder la mise en place d’une situation de crise qui pourrait éviter de « reculer pour mieux sauter ».
4/ Le chef d’entreprise ne doit pas hésiter à faire appel à un relai opérationnel afin de réaliser le retournement de son entreprise. D’abord par le biais de sa garde rapprochée (DAF, DRH, Directeur Commercial, …), puis le cas échéant par le biais d’un tiers. La force du regard extérieur permet en effet de réduire la charge émotionnelle et d’aller à l’essentiel. Cette objectivité peut prendre différentes formes, le management de transition en étant la facette la plus opérationnelle. Le choix d’un bon cabinet permettra de bénéficier de l’apport d’un intervenant expérimenté en conduite de missions de retournement (cf notre article : comment choisir un prestataire).
Son adaptabilité et son efficacité rapide contribuent à sa valeur ajoutée. Il établit d’abord un diagnostic afin de qualifier les difficultés rencontrées et lance des premières actions d’urgence. Avec le support des équipes en place et de l’encadrement du cabinet, il bâtit un plan d’action adapté qui devra être validé par les parties prenantes (dirigeants, actionnaires, …) et qu’il mènera ensuite d’un point de vue opérationnel (cf notre article sur le rôle d’un cabinet en mission). L’anticipation de cette étape permet de mobiliser moyens et parties prenantes de la société autour de son réalignement stratégique, qui peut d’ailleurs comprendre une nouvelle structure cible, des cessions ou des acquisitions d’actifs.
5/ Si les difficultés de l’entreprise créent des tensions de trésorerie, le dirigeant a pour enjeu d’adapter son management. La préservation du cash devient la première priorité : c’est l’absence d’actifs liquides qui conduit la société à une cessation de paiement. Il s’agit d’un vrai changement d’état d’esprit à communiquer en interne. Les indicateurs (KPIs) ne seront plus les mêmes.
Le système doit être contraint en limitant les délégations d’engagement et de paiement, en resserrant le suivi du plan de trésorerie prévisionnel et en conduisant le plan d’optimisation de son BFR ; et en limitant toutes dépenses non indispensables. Son anticipation permet de mettre en place des solutions d’affacturage ou de restructuration de son haut de bilan avec l’actionnaire.
6/ La connaissance des mesures d’accompagnement, de soutien aux entreprises et du Tribunal de Commerce permet de se préparer (voir infographie par ailleurs). Citons les Commissaires aux Restructurations et à la Prévention, le CIRI si la société a plus de 400 personnes, ou encore la médiation. Au niveau des procédures de protection du Tribunal de Commerce, elles sont soit amiables (confidentielles) avec le Mandat Adhoc ou la Conciliation, soit collectives (publiques) avec la Sauvegarde ou le Redressement Judiciaire.
Si la cessation de paiement conduit naturellement au Redressement Judicaire, il y a, avant cette échéance, à faire un choix de procédure qui n’est pas neutre pour l’entreprise (durée des périodes d’observation, confidentialité vs moyens d’actions). Par exemple : le gel du passif n’est accordé qu’en procédure collective. En fonction des procédures, divers outils ont été mis en place : privilèges de « new ou post money », prepack cession, carve-out, mesures coercitives pour créanciers récalcitrants, garantie de salaires, …
Ces aspects très techniques nécessitent un accompagnement juridique qui vient, le cas échéant, compléter le pilotage opérationnel et stratégique du manager de transition.
En conclusion
Le temps est clairement l’ennemi des entreprises en difficultés. Plus le temps passe et plus le retournement de son entreprise devient difficile et risque d’aggraver ses difficultés financières, de continuer à dégrader sa trésorerie et de perdre de la valeur. L’anticipation et l’accompagnement par des professionnels aguerris (selon les cas : cabinets spécialisés en restructuring, managers de transition, avocats, …) permet de garder son sang-froid, de prendre le temps de l’analyse et donc de conserver un maximum de lucidité et de sérénité pour appréhender au mieux cette période anxiogène.
Article coécrit Avec Ivan NOVIKOFF, manager de transition spécialisé dans la relance d’activités industrielles en difficulté.