Manager ses anciens collègues
Publiée le 25 février 2020
Devenir manager de ses anciens collègues peut constituer un cap difficile
Certains facteurs peuvent néanmoins faciliter les choses, comme l’ancienneté ou la reconnaissance des compétences techniques du nouveau promu. Votre nomination à la tête de l’équipe semble alors légitime, et votre leadership technique permettra d’asseoir votre posture managériale.
Si ce n’est pas le cas et que votre promotion est liée à d’autres raisons que celles qui sont techniques, il faudra alors montrer que vous êtes la personne de la situation. A défaut de donner le change sur les questions techniques, ce seront plutôt vos aptitudes naturelles au management qui vous permettront de gérer la situation.
La nécessité d’être à niveau
Julie Zhuo, vice-présidente de la conception produit de Facebook : « Ce n’est pas parce qu’une personne est excellente dans ses fonctions qu’elle sera un excellent manager. »
Dans son livre « The marketing of a Manager » J.Z tire les leçons de certaines erreurs commises dans ses fonctions pour donner quelques conseils en matière de management. Elle indique ainsi qu’il est notamment dangereux de se fier uniquement aux compétences techniques d’un collaborateur pour l’envisager à un poste de manager. Le principal risque réside dans le fait que cette nouvelle posture ne soit potentiellement pas du tout épanouissante pour le collaborateur. Il est donc important de l’accompagner vers cette posture de manière progressive, et de préparer cette promotion par le biais d’une formation en management.
Dans les entreprises françaises, nombreux sont les managers qui n’ont jamais reçu la moindre formation en management. La plupart d’entre eux apprend « sur le tas ». Ceci est dû au fait que leur avancement résulte de la reconnaissance de leurs compétence technique, et qu’il est convenu que cela en fera forcément de bons managers… Il s’agit d’une erreur trop souvent commise, qui peut être aggravée si l’on ne réagit pas rapidement à l’apparition des premières difficultés. Dans le pire des cas, la personne finit par capituler, et l’entreprise par perdre un super expert…
Oui à la méthode douce, à condition d’affirmer ses positions
Sans qu’il n’y ait de recette magique, il est important d’avoir certains repères en tête lorsque l’on devient manager de ses anciens équipiers. Ainsi, à sa prise de fonction, il est judicieux de ne pas se lancer dans des prises de décision trop conséquentes. Cela risque de vous cataloguer rapidement dans la rubrique des « petits chefs » qui veulent tout révolutionner pour justifier leur nouvelle responsabilité…
L’idée, au départ, est plutôt d’observer et de prendre le temps d’écouter ses collaborateurs, sans changer radicalement son attitude. Car être manager ne se résume pas à un titre indiqué sur votre contrat : ce sont d’abord vos qualités humaines qui seront attendues par votre équipe. Votre aptitude à soutenir et assister vos collaborateurs sera le gage de votre légitimité. Cela vous donnera ensuite naturellement le crédit pour affirmer vos positions. Il s’agit de faire preuve de finesse pour trouver la bonne technique de communication, le bon rythme, ouvrir l’œil et rester vigilant(e).
Cet état d’esprit est d’ailleurs précisément celui qui permettra au manager de transition d’appréhender le mieux possible son démarrage de mission et son intégration rapide.
La communication, le maître-mot d’une bonne transition
Force est de constater que le facteur X de la réussite d’une personne au poste de manager passe par d’excellentes dispositions relationnelles. La manière de vous comporter avec vos anciens collègues conditionnera votre assise managériale. Et les questions que cela amène sont du même ordre du côté de vos anciens collègues ! « Maintenant qu’il est mon manager, vais-je pouvoir garder la même aisance avec lui ? », « Il s’entendait particulièrement bien avec certains membres de l’équipe, est-ce qu’ils vont être favorisés ? », « Pour justifier sa place, ne va-t-il pas être plus sévère avec nous désormais ? ».
Charge à vous de savoir vous mettre à la place des personnes de votre équipe pour les rassurer dans leur questionnement et éviter ainsi tout blocage par la suite.
Mélanie Delannoy : Il faut faire le deuil de l’ancienne relation, un manager est un peu seul à sa tâche, plus les échelons montent, plus il l’est, certaines relations ne pourront plus être naturellement les mêmes. Même si les contacts peuvent rester amicaux et continuer les afterwork avec son équipe, il faut se sentir capable de gérer se « mélange ».
L’acceptation
Il faut que le manager soit capable de clarifier la situation dès le départ, il faut montrer que vous avez compris ce qui se passe dans les esprits de vos anciens collègues et plutôt que de laisser planer le doute dans vos équipes, il semble préférable d’accepter ce changement de d’entamer de façon collective et/ou individuelle un échange entre vous.
La pédagogie dans ce type de situation passe également par la rigueur et le goût de l’effort. L’exemplarité sera votre meilleure alliée, tout comme la capacité à savoir rester le même ! Des affinités peuvent exister du fait de votre ancienne place dans l’équipe. Ne les niez pas, tout en restant capable d’être équitable sur le plan professionnel et de savoir faire la part des choses.
Mélanie Delannoy, Responsable Grands Comptes Gestion de Patrimoine Résidentiel pour Nexity Paris nous a accordés quelques minutes de son temps afin d’échanger sur le sujet de l’article.
Après 10 ans d’expérience dans l’immobilier, devenue Property Manager au sein d’une équipe, elle a été promue manager au bout de 15 mois.
Inside-Management : Pouvez-vous nous parler de votre ancienne équipe ?
Mélanie Fernandes : Je fais toujours partie de mon équipe, je n’en parle pas au passé. La hiérarchie a changé mais l’essence est identique, et j’en suis un maillon tout comme eux. Nous sommes très proches. C’est un métier difficile psychologiquement. Il faut faire preuve d’endurance, parfois de self-control. C’est un combo plutôt épuisant, et nous avons besoin de liens humains et d’être soudé.
Inside : Comment s’est passée votre intégration en tant que manager après seulement 15 mois dans votre équipe ?
M.F : L’intégration a été immédiate au sein de l’équipe. J’ai toujours été claire auprès de mes collègues sur ma volonté d’évoluer à des fonctions managériales. J’ai par ailleurs fait mes preuves dès mon intégration en réussissant à reprendre un portefeuille en souffrance. Réussir à dynamiser l’équipe en n’étant pas une leader, mais un maillon qui fait bouger les choses a également servis mon intégration.
Inside : Vos compétences ont donc été un élément d’acceptation vis-à-vis de votre équipe et de votre direction ?
M.F : Il me semble en effet évident de justifier mon souhait de promotion par des compétences, qu’elles soient humaines ou techniques mais également en faisant mes preuves au préalable.
Inside : Comment s’est formalisée la proposition par votre direction et votre acceptation ?
Mélanie Fernandes : Après avoir légitimé mes attentes on m’a formulé une proposition à demi-mot. Une proposition extérieure est venue accélérer la prise de décision. La réponse des deux côtés a été immédiate.
Inside Management : Quelles ont été vos premières prises de décisions en tant que manager ?
M.F : Des changements ont été opérés : mise en place de rendez-vous mensuels (individuels), de points sur les objectifs et d’un suivi des performances. Le but est d’être dans une relation d’écoute mutuelle. Les freins n’empêchent pas l’action, mais réduire les interrogations et les craintes me semble essentiel.
Inside : Comment gérez-vous la communication au sein de l’équipe ?
M.F : Je préfère adopter une communication en temps réel pour fluidifier les informations. Les bruits de couloir vont vite : si quelque chose est en réflexion, les équipes vont être au courant. Je pense qu’une communication limpide dès le départ évite bien des difficultés.
La communication en interne au sein de la société peut parfois présenter quelques défauts. Il ne faut pas prendre son équipe au dépourvu : elle doit faire partie de la chaine de prise de décision. Les freins dans l’équipes sont contre-productifs s’ils ne sont pas pris en considération.
L’entretien annuel sert également à faire le point sur les besoins et envies de formation. C’est important de communiquer sur les capacités de chacun, et de proposer des solutions en cas de nécessité, tout en prenant en compte les difficultés individuelles qu’ils peuvent rencontrer.
Inside Management : Plus personnellement, comment avez-vous vécu cette promotion ?
Mélanie Fernandes : L’acceptation a été un passage difficile. Dans mon cas, la demande venait de moi. Je suis plutôt exigeante avec moi-même et je ne voulais décevoir personne. Donc quand on attend, on espère. Et quand ça arrive, on se retrouve d’un seul coup plutôt seule et avec beaucoup de pression. La volonté de ne pas décevoir devient omniprésente.
Inside : Avez-vous rencontré des difficultés en acceptant d’être manager ?
M.F : Au sein de l’équipe, pas vraiment… C’était juste compliqué de devoir l’annoncer « publiquement ».
Une difficulté est d’être capable de faire une transition et une répartition de la charge de travail efficace si le poste initial n’est pas remplacé. Il peut manquer de ressource et les deux charges de travail s’accumulent. C’est le problème de la « double casquette ».
Inside : Et demain, où vous voyez-vous ?
M.F : Plutôt qu’une évolution verticale, l’évolution transverse me semble une bonne idée. Elle permet de découvrir de nouvelles choses, d’être curieux tous en conservant un aspect opérationnel dans mes tâches, ce qu’une évolution verticale me fera perdre progressivement. L’humain est essentiel pour moi.
Inside Management : Un résumé du poste de manager ?
Mélanie Fernandes : D’après moi, manager n’est pas un métier mais une façon d’être. Il n’y a pas forcément besoin de lien hiérarchique. C’est une façon de faire. Le lien hiérarchique c’est d’être responsable de son équipe et parfois de devoir assumer pour le groupe.