Gestion de crise : 9 points clés

Les origines d’une crise peuvent être internes ou externes à l’entreprise, parfois les deux. Si le risque n’a pas été anticipé, l’avenir peut être compromis, parfois même sur le très court terme. Il n’existe évidemment pas de réponse toute prête, chaque situation étant un cas unique. Mais certains réflexes sont incontournables pour élaborer le bon plan de gestion de crise.

0. Qu’est-ce qu’une gestion de crise ?

La gestion de crise consiste à mettre en place une organisation temporaire pour faire face à une situation de crise. C’est une démarche naturelle dans ce genre de situation, l’organisation ‘de crise’ se met en place de facto dans la plupart des cas. En revanche il est nécessaire de lui donner un minimum de formalisation, de façon à couvrir tout le périmètre impacté avec des ressources identifiées.

Le plan de gestion de crise

Pris par les urgences qui s’enchaînent, le plan de gestion de crise n’est jamais la première action à laquelle on pense. Et pourtant, il permet de mettre en œuvre la façon de gérer la crise. Souvent perçu comme du temps perdu, il s’avère bien plus efficace que l’organisation habituelle de l’entreprise, ou qu’un sauveur qui penserait tout porter sur ses seules épaules.

Il ne s’agit pas d’un plan de sortie de crise, à ce stade il serait prématuré et inutile d’en élaborer un. Le plan de gestion de crise prévoit les thèmes et l’organisation qui permettront de gérer cette période trouble dans la durée, avec un minimum de sérénité. Cellule de crise, communication, mode de décision, mesure des résultats : ce sont les éléments constitutifs d’un plan de gestion de crise, qui commencera par une évaluation 360.

De multiples facteurs peuvent mener à une situation de crise :

  • La perte de gros clients,
  • La fermeture d’un marché,
  • Une crise sanitaire ou géopolitique,
  • Un accident géographique majeur,
  • Des démissions en cascade,
  • La vacance de fonctions clés,
  • Difficulté de remplacement des ressources,
  • Une acquisition contreproductive,
  • Un gros investissement retardé,
  • etc…

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1. Repérer les signaux d’alerte

Certains indicateurs doivent attirer l’attention, avant même que la crise soit déclarée :

  • Hausse de l’absentéisme,
  • Pertes de parts de marché,
  • Ambiance délétère,
  • Départ de fonctions clés,
  • Retards de règlements ou d’encaissements,
  • etc.

Tout évènement ou faisceau de ressenti inhabituel doit être investigué, par l’analyse des indicateurs s’ils existent, ou par instinct.

Il existe encore très peu de système de prévention en matière de crise. Ce qui s’en rapproche le plus se trouve dans les labellisations RSE, qui ont dans ce cadre répertorié un certain nombre de contextes de risques sur leur activité. On regrette toujours le manque de prévention et de reporting au début d’une crise, mais le caractère soudain et imprévu est dans sa nature.

Reporting et signaux faibles

S’il est facile d’identifier des anomalies quand elles sont visibles dans les reportings, c’est plus insidieux lorsque la crise relève de l’humain (manager toxique, manque de compétences managériales, fronde). Cela ne doit pas être pris à la légère, au risque de déstabiliser l’équilibre global de l’entreprise (en particulier dans les petites structures). Une crise se résout rarement d’elle-même.

Les crises résultent d’un ensemble de risques qui n’ont pas été détectés à temps, ou pas évalués à leur juste importance. C’est rarement une action volontaire, même si certains comportements portent à croire le contraire !

On ne peut pas en permanence contrôler l’ensemble des paramètres d’une entreprise en pleine activité, dans l’optique unique d’anticiper une crise éventuelle. Tout l’art du reporting est résumé ici : la pertinence et la régularité des paramètres contrôlés doit prévaloir sur la quantité. Les reportings sont souvent surchargés dans les grosses structures, ce qui annihile totalement leur vocation. Dans les PME / PMI c’est l’inverse, mais le dirigeant garde en tête de façon intuitive les 4 ou 5 paramètres vitaux pour sa structure.

Une inquiétude répétée dans les échanges montre un sentiment de perte de ‘sécurité’, un manque de confiance dans l’avenir qui fait baisser les bras… et empirer la situation.

Les signaux faibles doivent être interceptés, notamment par un contact terrain régulier, sans autre intention que de prendre le pouls des équipes. Paradoxalement, le télétravail pendant la crise sanitaire de 2020 a d’abord favorisé les rituels managers / collaborateurs. Ils ont découvert à cette occasion des gens qu’ils connaissaient mal, alors qu’ils les cotoyaient au quotidien. Mais ce constat a vite montré ses limites lorsque le télétravail s’est transformé en relation 100% digitale, sans contact humain direct.

Chiffre d’affaires

Mal interprété, ou interprété seul, le chiffre d’affaires peut être trompeur : un CA en roue libre, sans accompagnement anticipé, peut devenir dramatique pour une structure non préparée. Le besoin en fonds de roulement va grandir, sans avoir forcément les capacités d’y subvenir. Les banques, les actionnaires ou les fonds d’investissement n’auront alors pas obligatoirement la volonté ni la possibilité de pourvoir aux besoins financiers.

Les crises de croissance sont moins médiatisées, mais elles sont aussi destructrices que les autres. Dans ces cas-là, on s’imagine que la levée de fond sera une simple formalité. Or notre retour d’expérience en gestion de crise démontre qu’il n’en est rien. La capacité de l’entreprise à lever des fonds dans une crise de croissance sera proportionnelle à l’image qu’elle a pu donner avant la crise. La plupart des startups ne franchissent pas le stade de la 2ème levée de fonds.

Capacités du management

Le fait d’avoir travaillé dans une entreprise en crise ne confère pas de prédisposition à la gestion de crise. C’est le rôle joué pendant la crise qui détermine une aptitude avérée. Tous les dirigeant.e.s et managers ne sont pas aptes à la gestion de crise en entreprise.

Ce type de management possède ses propres codes, qu’il vaut mieux connaitre avant de piloter une cellule de crise. L’intérêt du Management de Transition réside dans sa capacité à piloter tout ou partie d’une cellule de crise, ou la crise en elle-même, avec des profils expérimentés. L’expérience du cabinet et de l’intervenant.e est le principal outil universel qui soit utile en pareil cas.

Il va sans dire qu’à ce stade un programme de formation n’est pas envisageable, pour des raisons de temps et de précocité.

2. Créer la cellule de crise

On parle de crise pour des sujets d’une gravité et d’une ampleur susceptibles de faire vaciller l’entreprise, pas pour des cas individuels qui doivent être traités comme tels.

La première disposition à prendre est de créer une cellule dédiée. Dans un grand groupe à forte notoriété, il s’agira d’une équipe de gestion restreinte. Elle représente l’ensemble des périmètres impactés, avec le renfort de spécialistes de la communication de crise. Dans une PME, la cellule sera constituée par le patron et quelques collaborateurs de confiance, le dirigeant centralisant toute la communication interne et externe relative à la crise.

En gestion de crise le mode commando prédomine en interne, alors qu’en externe il reste focalisé sur le service clients et la communication. C’est un exercice d’équilibriste permanent, sans jamais oublier que l’image de l’entreprise et son futur sont l’enjeu principal dans le viseur.

L’équipe de gestion de crise

L’équipe s’attachera à gérer le présent et le futur immédiat, en évitant autant que possible tous les amalgames pouvant aggraver la situation (la chasse aux sorcières n’est pas d’actualité). Les urgences seront priorisées pour ne pas se retrouver contradictoires dans l’action.

Toute communication interne ou externe doit être concertée, et validée par l’ensemble de l’équipe. Il vaut mieux faire une réunion de 20 mn chaque jour plutôt qu’une grand-messe mensuelle.

Enfin les opérations, au sens très large du terme, seront pilotées, supervisées ou remontées à l’un des membres de l’équipe, sans impasse ni zone d’ombre.

Evaluation, communication, action !

La communication spontanée, épidermique ou surdimensionnée doit être bannie. L’équipe de crise doit inspirer de la gravité, de la sérénité et de la consistance dans ses réactions (écrites et verbales) face à la crise. Cela n’empêche pas, le cas échéant, les actes managériaux qui peuvent envoyer un signal fort positif adressé aux équipes.

La santé des salariés, y compris celle des membres de la cellule de gestion de crise, doit faire l’objet d’une vigilance collective. La responsabilité vis-à-vis de la cellule rajoute un poids supplémentaire, tandis que les capacités de résistance varient selon les individus.

3. Prendre les bonnes décisions et maintenir le cap

L’équipe de gestion de crise doit avant toute chose dresser un état des lieux de la situation. Chaque service ou fonction impacté dans une grosse structure ne possède qu’une vision très parcellaire du problème. Dans les PME on a tendance à faire incarner la responsabilité de la crise à une personne, ou à une seule cause identifiée. Mais le problème peut servir de révélateur à des causes plus profondes.

Il n’existe pas de boite à outils magique accessible en 2 clics : quitte à nous répéter, chaque cas est un cas particulier. Les étapes de sortie de crise sont également spécifiques, selon la criticité de la situation dans chacun de ses périmètres. Anticiper les mécanismes destructeurs de la crise prendra rapidement le pas sur les actions curatives.

Par nature la gestion des crises en entreprise ne fait pas partie des programmes de formation, sauf pour celles en matière de communication. Il en existe plusieurs destinées aux services publics, comme le maintient de l’ordre, mais elles ne sont pas applicables directement.

La mise en commun au sein de l’équipe de gestion de crise permettra d’évaluer l’intensité de la crise, pour apporter les bonnes réponses au bon moment, de façon contrôlée. Les décisions prises sont mises en commun dans un plan de gestion de crise, à court terme, qui doit évoluer fréquemment lorsque les événements l’imposent. En situation de crise l’échelle de temps est réduite : l’hebdomadaire et le journalier supplantent le mensuel.

Les premières mesures seront claires, précises et atteignables. Fixer des objectifs inatteignables aurait pour effet de démobiliser les troupes au mauvais moment.

Cas des petites et moyennes structures

Dans les petites et moyennes structures, le Management de Transition est la solution la plus répandue pour gérer une crise. Un cabinet apportera des garanties à plusieurs niveaux :

  • Le recul nécessaire dans une situation de crise (apporté par les associés du cabinet),
  • L’expérience de ce type de contexte par l’intervenant(e),
  • Le remplacement ou la montée en puissance d’une fonction-clef quand c’est nécessaire.

Une telle démarche a un coût, mais il est sans commune mesure avec les dégâts d’une crise non gérée.

En général les PME font moins appel à des procédures d’urgence pendant une période de crise, alors que les grandes entreprises ont tout intérêt à le faire. Le nombre d’employés impactés dans la sortie de crise est un facteur déterminant.

4. Soigner sa communication interne, mobiliser les équipes

Une crise s’accompagne inévitablement de réactions basées sur des émotions diverses : la peur, la colère, les égos. Il ne faut pas négliger les émotions des collaborateurs, pour éviter de nourrir la crise.

Le manager de transition h/f dédié saura faire preuve de pragmatisme et d’empathie, tout en maintenant le cap de sa feuille de route. Son statut externe à l’entreprise constitue un véritable atout. Il dispose non pas d’outils plug & play, mais de reflexes acquis au cours de son parcours.

En effet, certains messages peuvent être plus difficiles à faire passer si la légitimité de l’interlocuteur en interne est remise en cause (à tort ou à raison) par les équipes. L’arrivée d’un.e intervenant.e Management de Transition est la preuve d’une prise en compte de la crise au niveau requis par la gouvernance.

Communiquer à bon escient

La mise en place d’un plan de communication de référence est recommandée. Elle permet de sensibiliser tous les membres de l’équipe de gestion de crise à l’importance de la communication. Celle-ci sera pragmatique, sans détours, claire et avec autant d’éléments factuels que possible. Les étapes, interdépendantes pour la plupart, seront clairement présentées.

Ceux qui reçoivent cette communication doivent avoir les mêmes éléments de perception que les décideurs. En revanche il faut veiller à ne pas surcommuniquer : utiliser des adjectifs catastrophes pour désigner une situation difficile est inutilement anxiogène, un horizon atteignable à court terme est préférable.

Les victoires intermédiaires peuvent faire l’objet d’un petit événement, sans surjouer, cela renforce le sentiment d’appartenance pendant un processus de sortie de crise. Toute inquiétude ne peut pas faire l’objet d’une réponse immédiate, c’est sa prise en compte qui rassure.

5. Afficher transparence et détermination

Dans la communication de crise, il faut jouer la carte de la transparence. Nier l’existence même de la crise ou de son intensité décrédibilise et fragilise le management. A l’inverse, une sur communication peut avoir un effet négatif. Il faut placer le curseur au juste niveau entre ces 2 extrêmes : le factuel, ce que les salariés ont besoin de savoir pour agir.

En revanche chacun a son propre référentiel des urgences, selon sa position dans l’organisation et sa responsabilité dans les opérations. Un manque de clarté et de cohésion dans l’action confortera la disparité des vues, plutôt que de tendre à l’unifier.

Comme évoqué dans le point précédent, il est important de ne pas se perdre dans des messages sans intérêt pour les interlocuteurs. La transparence requise dans une situation de crise ne doit pas supplanter le fond du message. Chaque crise porte une charge émotionnelle importante, et très différente selon les interlocuteurs. La plus grande sobriété s’impose.

Agir avec détermination signifie aussi prendre la mesure des progrès réalisés. Chaque petit pas vers la sortie de crise est un formidable booster du moral des équipes. Le sentiment de sécurité, même relatif, est remplacé par une notion d’utilité personnelle et de défi collectif.

6. Montrer son empathie

La détermination, bien qu’essentielle, ne doit pas faire des gestionnaires de crise des tirants inhumains et froids. Rappelons que dans une situation de crise, l’Humain est et restera l’élément vital qui sera porteur de la sortie de crise, ou au contraire de son exacerbation jusqu’à la rupture. Comprendre le stress subi par chacun à son niveau et apporter des réponses appropriées est en principe à la portée de n’importe quel manager.

Les échanges quotidiens ne doivent pas être mis en veilleuse sous prétexte d’emploi du temps surchargé. Les bénéfices à court terme de cet investissement humain décupleront la portée des actions engagées. Aucune procédure ne peut remplacer l’instant machine à café.

La disponibilité et la capacité des ressources ne sont ni garanties, ni infinies. Chacune d’entre elle doit être considérée à sa juste valeur dans un nouvel équilibre de crise.

7. Se préparer à une course de fond

« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille (J.Chirac) ». Et au menu il y en a pas mal, dont certains insoupçonnés à peine quelques heures avant de se produire.

La profondeur de la crise détermine sa durée. Il est illusoire de penser que toutes les causes seront annihilées en quelques semaines, alors autant se préparer à plusieurs mois d’efforts. A un quotidien chronophage il convient de rajouter la dimension moyen / long terme, sans laquelle une crise n’aura pas de sortie identifiée. Ceci implique une bonne analyse préalable de tous les paramètres de la crise. Il faut jongler en permanence entre les urgences (ce que l’on peut faire), et les objectifs intermédiaires (ce que l’on aimerait faire).

Le burn out est un problème de santé fréquent, par exemple pendant les crises financière et sanitaire. Le dirigeant se retrouve seul, dans un environnement de plus en plus hostile, tout en essayant de faire bonne figure.

Les personnes impliquées dans la crise doivent, autant que possible, se préserver. Vouloir tout gérer 7/7 et 24/24 n’est pas une bonne option, chaque pilier de la gestion de crise doit prendre la part qu’il peut assumer. Un manager de transition peut accompagner une structure en crise à différentes étapes de son redressement. En général, il intervient au début, en période critique, et passera la main lorsque les fondamentaux seront consolidés.

Des formations courtes, ciblées, peuvent ensuite être envisagées. Elles peuvent permettre la meilleure maîtrise d’un module SI ou l’amélioration d’une fonction opérationnelle. Elles s’inscrivent dans un temps court, de quelques jours à quelques semaines.

8. Ecouter son instinct : prendre des risques

En matière de management, par expérience ou par prédisposition personnelle, l’instinct tient une place importante. En situation de crise il est encore plus important de confronter l’instinct, basé sur des paramètres compliqués à exprimer clairement, aux facteurs plus cartésiens. La cellule de crise est le lieu où les ressentis doivent être exprimés et confrontés aux autres. Tout le monde comprend qu’un manager ne peut pas tout savoir, surtout en période de crise. C’est sa façon d’exprimer ses ressentis qui suscitera une participation franche à la réflexion globale. Au final c’est bien lui qui décide, mais après avoir entendu les avis divergents.

La prise de risques peut paraitre incongrue en période de crise, c’est pourtant un sujet entièrement d’actualité. Certaines opportunités dans le passé ont pu être rejetées par réflexe d’immobilisme. La crise peut parfois changer l’angle de vue des parties prenantes : la structure sera très motivée pour déployer de nouvelles idées issues de la stratégie de sortie de crise. Attention toutefois au grand écart : en dehors des retournements stratégiques, le changement de métier à 180 degrés n’est pas un bon choix en gestion de crise.

9. Transformer la crise en opportunité

Une gestion de crise pilotée est une véritable opportunité pour renforcer la cohésion des équipes et enclencher un processus vertueux. Apprendre à mieux travailler ensemble, et initier des actions de progrès sur le fond. Vis-à-vis de l’extérieur, c’est une manière d’exprimer la réactivité de l’entreprise, une façon de rappeler au client qu’il est au cœur de ses préoccupations.

En d’autres termes, c’est l’occasion de reconstruire de nouvelles bases, à condition d’agir rapidement, avec discernement et mesure. Le danger premier dans la gestion de crise est de ne pas savoir où l’on va, il est fondamental de ne pas se focaliser uniquement sur les changements et la rupture en cours, et de rappeler ce qui ne changera pas pour les collaborateurs.

 

Une gestion de crise efficace évite de paralyser l’entreprise, ce qui n’est jamais exclu dans les pires situations. La crise est une période d’opportunités, qui demande à chacun, à son niveau, de se surpasser. Certains potentiels se révèleront dans cette période charnière, et le sentiment d’appartenance sera renforcé.